En cette période de l’année, de transition, d’ouverture d’un nouveau cycle, nous sommes sensibles à l’idée de transformation, de changement. Nous exprimons cela par des souhaits à l’intention des autres, de nous-même. Nous souhaitons, avec le rappel de ce qui est précieux à nos yeux mais aussi aux yeux de tous, des qualités à vivre: la santé, la paix, l’abondance etc. C’est le moment de faire sortir des paroles du coeur qui d’habitude restent assoupies et là retrouvent un air de vitalité essentielle. Ces paroles sont comme des flèches d’intuition et d’amour bienveillant, nous aimerions qu’elles touchent et transforment instantanément ce qui doit l’être pour que chacun de nous tous connaisse le bonheur et ses causes, soit libre de la souffrance et de ses causes. La conscience fait un tour sur elle-même, pressent la sortie de la nuit, la possibilité d’autres possibles, qu’un rêve devienne réalité. Le renouveau point dans le ciel de nos constellations intérieures et collectives le temps d’une nuit, à minuit, quand la fête bat son plein. Mais que se passe-t-il à minuit une? le carrosse est-il redevenu citrouille une fois pour toutes?
N’est-ce qu’un feu d’artifice factice, un jeu social convenu, des formules toutes faites du prêt à bien penser dans l’uniformité et l’insipidité médiatique, ou avons nous aperçu malgré tout, dans ces fugitifs échanges, l’éclair de la biche argentée?
Si la biche argentée, aux cornes d’or et aux sabots d’airain a éclipsé, ne fut-ce qu’un bref instant, votre morosité et apathie quotidienne alors suivez-la. Cet indicible essentiel, insaisissable et éternellement en mouvement nous appelle à vivre notre nature de coursier, de quêteur, de chasseur de l’essentiel. L’essentiel est à l’image de la biche, celle que course Hercule pendant un an. Elle le conduira dans une terre inconnue, aux confins hyperboréens, là où vit un peuple sage et paisible, connaisseur des rêves.
Hercule se saisira en douceur de la biche car il lui a été demandé de l’attraper sans la blesser, sans que son sang ne coule. La biche ne peut être approchée par la violence ou la force. Pour l’apprivoiser nous devons entrer, tel Hercule dont la force est pourtant le premier atout, dans la délicatesse, la subtilité, la patience et la douceur infinies. La biche bondit, légère, élégante, belle et délicate, insaisissable par essence. Elle se montre et continue sa course de plus belle.
Ce que nous poursuivons est ce qui nous poursuit et se montre de temps à autre par de fugitifs éclairs qui semblent vouloir nous faire avancer vers des terres inconnues, celles où notre âme nous appelle. Ce qui est toujours prêt à bondir, à s’élancer dans la douceur et la patience infinie est le coeur du coeur, l’âme. Le mot « âme » si nous l’examinons avec l’intelligence des oiseaux se décompose en « a » privatif et « me », moi, mien. L’âme est la subtile énergie jaillissante, bondissante et vigoureuse lorsque « je » n’est pas pétrifié par « moi ».
Posez-vous et ressentez en fermant les yeux, au centre de votre poitrine, vous pouvez même y poser une main, la présence de la biche, de cette énergie douce, chaude et palpitante. Entrez en contact avec cet élan doux et chaud, ce battement de cils de la biche. Sentez son innocence, son élégance, sa délicatesse. Un rien la révèle, un rien l’effarouche et la fait disparaître comme si elle n’avait jamais existé. Peut-être vous sentez-vous fatigué(e), déprimé(e), triste. C’est dans votre poitrine que ces vérités ont lieu, qu’elles se montrent. Elles peuvent être accueillies avec le regard doux et pénétrant qui laisse passer la vigueur lunaire et féminine de l’amour bienveillant. Non seulement la biche est leste mais elle peut aussi prendre des formes insoupçonnées, voilées, insignifiantes.
La biche que poursuit Hercule a des cornes d’or, un corps d’argent et des sabots d’airain. Elle est faite de trois métaux représentatifs des qualités de notre expérience. Ses cornes d’or la relient à l’espace solaire du monde de l’esprit, son corps d’argent à la pleine lune du coeur compatissant, ses sabots d’airain la relient à la vigueur, la puissance et invincibilité de la terre. Certes ressentir la puissance de la biche est autrement plus difficile que de percevoir celle du lion. Cependant, et grâce à ses travaux précédents, Hercule peut attraper la biche qu’il remettra à Artémis qui la libérera à son tour. Poursuivre la biche est vivre l’élan du coeur, de l’âme, de ce qui nous anime sans la pesanteur d’un moi violent et arrogant. Dans la pratique de Tchenrézi, le bouddha de compassion, un de ses attributs est une peau de biche qui couvre son épaule. Ce symbole évoque la puissance de la douceur et de l’amour qui ne peuvent être conquises qu’en se désarmant soi-même. La biche s’abandonne à nous dans la mesure où nous nous abandonnons à elle. Elle nous enseigne que le lâcher-prise est un mouvement de rebondissement dans l’ouverture spacieuse, la capacité de suivre la biche, de prendre une nouvelle direction inattendue, guidée par la douceur libre et joyeuse de l’absence de lutte. La biche sur l’épaule de Tchenréri est l’ornement des coeurs aimants, de ceux qui réussissent à rassembler leur force sans chercher à blesser les autres. Entrevoir les cornes d’or de la biche est se souvenir, se re-connaître comme être libre et grâcié.
Au moment de Noël, « No-El », nouvelle vie, nouvelle naissance, il nous est redonné, comme symboliquement chaque année, le pouvoir d’un élan précieux qui laisse la bonté fondamentale courir au-devant. Méditer les sabots d’airain de cette bonté est se relier à la patience infinie, à la douceur infinie, à la vigueur innocente de chaque instant. Même fatigué(e), nous pouvons repartir marqué du sceau essentiel de la biche insaisissable. Il y a des terres à défricher, des rêves à concrétiser, de nouvelles histoires à écrire. La biche est imprévisible, elle surgit comme l’éclair, nous pouvons même douter de l’avoir aperçue. Un rien la fait apparaître, un rien l’effarouche. Il est facile de perdre sa trace et tout aussi facile de la retrouver. Mais rien ni personne ne peut empêcher sa course, sa beauté de rayonner, comme rien ni personne ne peut empêcher l’esprit libre de l’éveil de déployer son activité.
OM MANI PADME HUNG
Sublime intelligence que votre texte
la résonance de la Biche argentée
Hommage à vous Lama Wangmo
Merci Wangmo, quel beau cadeau de NO-EL tu nous offres là !! A la lecture de ce texte, je me dis qu’en combattant l’Hydre jusqu’à sa dernière tête en OR, j’ai le sentiment d’avoir peut-être rencontré la « Biche de Noël » !!
Merci Wangmo pour ce beau texte apaisant qui me relie à la douceur du coeur, à la sérénité de l’esprit et à la petite biche dorée que ma maman portait sur son unique veste de tailleur
Merci Wangmo. C’est magnifique !
Merci , merci, merci Wangmo !