parcours de héros en vol d’oiseau

oiseau3Un jeudi par mois, j’anime un atelier du parcours du héros dans le cadre de l’association créativ’essence. Depuis plusieurs années déjà, nous avons parcouru les contes de Grimm, ceux de « femmes qui courent avec les loups » de Clarissa Pinkola Estès, en passant par l’évocation des muses et l’atelier d’écriture de sa propre histoire, toutes ces traversées ont soutenu et revivifier, d’année en année, notre propre voyage de héros. Ce voyage d’ailleurs est aussi bien celui d’une journée que celui d’une vie. Car nous ne savons combien de temps il nous est encore accordé pour « … » , que diriez-vous? et c’est là où chacun est invité à regarder au fond du puits de son coeur ce qui se plaint infiniment de ne pas vivre au grand jour. Cette année, pour nous accompagner à voguer vers ces îlots de clarté,  nous avons choisi  un texte-poème d’une grande beauté : la conférence des oiseaux, Mantiq at-Tayr,  de Farid ud-Din Attar. Différentes traductions des oeuvres de ce poète ont fait date en occident, particulièrement parmi les romantiques. Victor Hugo fut influencé par certaines de ses idées pour le personnage de Jean Valjean. Mais ceci est une autre histoire. Revenons à nos chers volatiles, pleins de légèreté et de beauté.

Pour notre atelier, nous avons choisi l’adaptation d’Henri Gougaud. La Conférence des oiseaux relate le voyage de la huppe, oiseau dont la tête est ornée d’une couronne de plumes, accompagnée d’une trentaine d’oiseaux, en quête de leur roi, le Simorgh. D’innombrables contes, anecdotes, paroles de saints et de fous parsèment ce livre, nous laissant souvent étonnés, amusés ou perplexes. Il est rappelé justement de ne pas s’arrêter à des certitudes ferroviaires ou au prêt-à penser spirituel  importé mais de fréquenter le livre comme un ami, le relire pour se nourrir encore et encore du parfum de sa sagesse. Nous ne l’abordons pas d’ailleurs en spécialiste du soufisme, ce que nous ne sommes pas, mais en texte éclaireur,  écho à notre propre quête intérieure. Comment cela résonne en nous, comment ce poème peut, par la vertu cathartique et maïeutique de ses images, nous connecter à l’ouvert?

Farid ud-din Attar, l’auteur, est né à Nishapur, en Perse, vers 1140. Il fut apothicaire, marchand d’encens et d’herbes médicinales, voyagea beaucoup et fréquenta de nombreux saints. Il mourut dans sa quatre-vingt dixième année, sous le sabre d’un des mongols de Gengis Khan, qui ravageaient sa ville. De nombreuses légendes entourent sa vie.
On dit par exemple que, lorsqu’il était jeune, un mendiant lui demanda l’aumône. Comme Attar était un peu dans la lune ce jour là ou occupé à ranger son étalage, il ne prêta guère attention au mendiant qui aussitôt l’interpella avec virulence :
-Tu mourras comme nous. Mais comment ? le sais-tu? lui demanda le mendiant.
Attar lui répondit : pas plus que toi, l’ami.
Moi, je sais dit l’autre. Et là il se couche sur le sol et rend l’âme.
C’est sûr, ça fait un sacré choc! depuis ce jour,  Attar en fut si éprouvé qu’ il n’eut de cesse de s’interroger sur le mystère de la vie.

Le récit de la conférence des oiseaux commence par une très belle louange à la création dont voici un court extrait :

Sur les premières eaux il posa Ses deux pieds. Aux êtres d’ici-bas Il offrit l’air du monde. Il fit le ciel puissant et sans cesse mouvant. Il voulut que la terre obéisse à Ses lois et déploya sur elle une voûte semblable à une tente bleue sans cordes ni piquets. En six jours et deux lettres entre toutes sacrées Il pétrit les neuf cieux avec les sept planètes. Comme il aurait lancé mille dés hasardeux sur la table des nuits, de son gobelet d’or roulèrent mille étoiles.
A notre corps, ce piège, il donna coeur et foie. Notre âme, cet oiseau, il la voulut poudrée d’étouffante poussière. Les chevaux océans courbèrent devant Lui leur crinière écumante, et les monts pris d’effroi par l’éclat de son oeil furent pétrifiés. etc.

oiseau Le récit continue ensuite par le salut aux oiseaux. Un discours de bienvenue, associant la huppe et les autres oiseaux en quête. La huppe se présente comme messagère, elle exhorte les oiseaux à partir pour un voyage difficile mais essentiel qui les conduira à la cour de leur roi, le fabuleux Simorgh.
En persan, si signifie, trente et morgh, oiseau. Le Simorgh serait-il l’oiseau fait de tous ces oiseaux assemblées? ou alors… soufflez sur toutes les plumes de ces oiseaux, et le véritable Simorgh apparaîtra peut-être dans sa vraie dimension, non? essayez…

Bien que tous les oiseaux comprennent l’intérêt fondamental de cette quête, ils se révèlent très vite hésitants et trouvent des excuses par des raisons diverses pour justifier leur impossibilité à partir ou le contentement de leur sort. Évidemment cet appel à la quête essentielle sitôt suivi par un retour à l’inertie initiale, (ça vous rappelle quelque chose n’est-ce pas?) justifiée par des raisons qui ne peuvent leurrer que ceux qui les disent, est confondant de ressemblance et d’actualité. Chacun (e) peut y lire comme à livre ouvert, ses propres lâchetés. Nous souhaitons nous mettre en chemin, sommes convaincus de la nécessité de celui-ci et pourtant nous avons peine à nous engager réellement. Ces passages, où les oiseaux s’excusent de ne pouvoir partir, est plein d’humour. Chacun(e) lors de l’atelier a tiré au sort un oiseau dont il devait actualiser le profil soit en miroir de son propre tempérament soit en lien avec ce qui l’avait touché dans ce portrait d’oiseau. Voici par exemple un extrait du discours du paon :

Le paon s’avança, pur soleil, le paon, aux cent (que dis-je, aux cent?), aux mille, aux cent mille couleurs. Il dit, dans sa robe royale : Même les artistes chinois ne savent peindre les atours que la nature m’a offerts. S’il est un ange Gabriel parmi le peuple des Oiseaux, voyez, aucun doute, c’est moi. Je fus pourtant fort maltraité. On m’a chassé du paradis sous prétexte que le serpent était mon estimé voisin. Oh certes, je ne prétends pas atteindre un jour au Créateur, il me suffirait amplement d’être reçu par Son portier, mais j’ai l’espoir peut-être fou de quitter bientôt ce séjour où mes ans se meurent d’ennui et de retrouver mon Eden. Contempler le puissant Simorgh, espérer que son oeil m’effleure? A quoi bon, puisque mon désir est de revoir le paradis!

A chaque oiseau qui présente ses excuses et ses raisons, la huppe répond, pointant d’un bec, qu’elle a pour l’occasion acéré, la faiblesse, la confusion ou la lâcheté. Elle admoneste tout le monde, mais aussi tranquillise, encourage. Elle donne ensuite l’enseignement qui permettra d’entreprendre le voyage. Les oiseaux doivent s’engager à traverser les sept vallées qui marquent des étapes initiatiques de leur ascension spirituelle : la vallée de la quête, celle de l’amour, la vallée de la connaissance, la vallée de la liberté solitaire, la vallée de l’unité, puis celle de la perplexité majeure, avant celle de l’épuisement.
Cette ascension sera au final la descente en leurs propres profondeurs. En attendant cette révélation, ils doivent parcourir ces vallées pleines d’embûches et d’épreuves. certains y laisseront leurs plumes!

oiseau2Chaque vallée a valeur initiatique et croise notre propre quête et engagement intérieurs pour nous aider à aller à la rencontre de ce que nous sommes, véritablement. Je suis ce qui est avant toute histoire, comment comprendre cela à partir de mon histoire? Ces sept vallées nous montrent une voie d’expérience, c’est pourquoi chacun peut les percevoir en fonction de là où il se trouve aujourd’hui. Par la compréhension, les exercices et les expériences faites autour de ce texte, chacun(e) peut aussi élargir ses perceptions, son champ de conscience, discerner mieux les différents niveaux de son engagement.

La vallée de la quête, par exemple, nous présente notre situation actuelle, où nous nous sentons séparés de l’essentiel et cherchons à nous libérer, nous sentant en captivité. Partout nous rencontrons l’hostilité, malgré notre désir de progresser. Mais notre engagement est-il véritable? Cherchons-nous le vrai sens des choses ou en avons nous seulement la prétention? Telle la dakini se présentant à Naropa, grand érudit indien qu’elle interpelle en lui demandant s’il comprend juste les mots ou le sens véritable de ces mots. Ainsi comme toute quête nous y invite, nous avons à nous questionner à neuf et à trouver les réponses dans le miroir de notre coeur, même si celui-ci se révèle voilé, endurci ou confus. Malgré tout, il y a toujours au fond de notre coeur  quelque chose qui veille, où nous pouvons nous recueillir, comme l’enfant dans le giron de sa mère.

Si vous êtes intéressé(e) pour participer à cet atelier, merci de contacter l’association créativ’essence.

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