Joie des retrouvailles ce matin là à Paris. Le ciel hésite entre crachins et beau temps et se décide le dimanche pour une journée bleu azuré et un soleil jaune poussin. Les oiseaux enchantent l’air de leur phrasé volubile, rivalisent en cabrioles sonores, trilles et vrilles s’amoncellent et tombent en flocons de fleurs de pruniers aux pieds des passants.
On boit un excellent café chez Thierry. Son appartement est lumineux, avec de belles présences ici et là, en objets ou représentations sur les murs. La fenêtre grande ouverte fait entrer les bruits de la ville, les voix des enfants qui jouent dans le parc tout proche, là où juste avant le soleil reluquait notre déjeuner :
sandwich sur un banc,
esprit flottant – moments savoureux,
suspendus entre terre et ciel, gratitude –
Joie des retrouvailles dans l’offrande des visages ouverts. Réjouissance des mots aimants partagés tout de suite. Nous étions vingt deux à pratiquer le sourire ce matin là.
Parmi tous ceux qui étaient là, Pascal est venu accompagné d’une amie. Pascal, je me demandais depuis combien d’années nous nous connaissions, je n’arrivais pas à compter. C’est que maintenant je préfère conter, sans doute. Il était une fois plusieurs vies en une seule… avec le fil de l’amitié en partage. Pascal, qu’un accident a soudainement paralysé n’a rien perdu de son esprit malicieux, de son humour, de sa bonne humeur, de sa profondeur. Pascal me raconte qu’il reste très actif, que les enseignements l’aident. Il aime lire, particulièrement Alexandre Jollien, dont il apprécie la franchise et dont le témoignage l’aide beaucoup à vivre cette expérience du handicap. Pascal me confie qu’il participe même à un atelier créatif où l’on fait de la mosaïque. J’imagine tout haut « c’est beau la mosaïque mais pas facile à faire ». Il me répond alors qu’il a même fait un mandala, personne ne pensait qu’il y arriverait, il a réussi. Curieuse des artistes et de leurs oeuvres, je lui demande s’il peut me la montrer. Le lendemain Pascal arrive avec son mandala en mosaïque, véritable accomplissement d’un projet par lui bien défini dès le départ. Comme les abeilles butinant la fleur, tout le monde se rassemble autour du tableau. Nous prenons des photos. Nous décidons de l’honorer en l’accrochant pour cette journée où nous sommes ensemble. D’autant plus que la salle s’y prête. Il y a déjà des oeuvres, évoquant la fluidité des pensées-poissons, de l’onde; de ses remous, de ses couleurs, avec au milieu Shri Chinmoy et son ineffable sourire sur un corps d’athlète.
Racines de souffrance, racines de délivrance est le thème de notre week-end. Un week-end de psychologie contemplative ou bouddhiste. Resituons le propos : la psychologie bouddhiste, prenant en compte le potentiel spirituel, la nature profonde de ce que nous sommes, peut nous aider à développer ce potentiel spirituel. Néanmoins, nous devons réaliser que notre expérience a plusieurs niveaux : ce que l’on appelle dans l’enseignement le niveau relatif et le niveau ultime. Nous venons au monde, dans un milieu culturel, historique, familial. Tonalités et colorations de ces différentes influences se vivent en réseaux de liens. La famille est un réseau de liens, de liens concrets, dans le fonctionnement de la maison par exemple où chacun participe, mais aussi de liens plus abstraits composés d’influences des ancêtres, de non-dits, de secrets, de fantômes, de loyautés invisibles agissant sur l’équilibre de ce réseau de liens que nous sommes nous-même. Ainsi si nous poussons plus loin notre réflexion, notre corps n’est pas l’entité que le nom semble lui attribuer mais un ensemble de liens, un processus dynamique d’agrégats en perpétuel changement. Prendre soin de ces réseaux, de ces liens, de ces formes dans lesquelles nous vivons notre existence est être sur le chemin. Loin de discréditer le relatif au profit de l’ultime qui semblerait le seul aspect intéressant, il s’agit de rendre hommage à la plénitude des formes à travers lesquelles la vacuité se manifeste indissociablement. Prendre soin de toutes les formes est ce que nous faisons en atelier de travaux pratiques, avec les contes, miroir de notre histoire et des histoires de famille, ou les constellations, mises en espace des images intérieures bloquant le mouvement d’âme singulier qui vit en chacun et demande à être délivré.
Empruntons le chemin que nous sommes
un chemin plein d’attentes peut-être
Que faire de nos attentes alors?
Nous asseoir sereinement dessus – merci coussin –
Notre prochain rendez-vous : les 15 et 16 juin.
Déroulement du week-end : enseignement et pratique les matins, travaux pratiques des contes et constellations l’après midi.
Horaires : 10h – 17h30
Merci à tous et à toutes pour ce beau week-end qui annonçait un bel été. Aussi beau que le mandala de Pascal !