Y-a-t-il un âge pour commencer à méditer?

Peut-on commencer à méditer à un certain âge, avancé?

Merci à la charmante dame qui m’a posée cette question, en aparté, lors de la session à la Chapelle-de-Guinchay. C’est une très belle question car elle interroge sur les conditions nécessaires pour commencer à méditer. Cette question en rejoint une autre souvent posée elle aussi : à quel âge commencer à méditer? cette question est en général posée par les parents qui sont engagés dans un chemin spirituel et voient souvent dans la méditation la panacée universelle à tous les maux d’aujourd’hui.
Bien sûr cela est à relativiser. Néanmoins on ne peut sous estimer l’apport d’une certaine qualité d’être même individuelle sur l’ensemble de l’environnement. Comme le rappelle Pierre Rabhi, la question du présent du futur : « quelle terre nous laisserons à nos enfants ? » est inséparable de son autre versant « quels enfants laisserons nous à la terre ? ». Donc il y a un réel travail d’humanisation et d’enchantement à accomplir. Pour ma part, j’y oeuvre à travers les contes, les mythes et la pratique de la méditation. Développer des visions en nourrissant l’imaginaire est la possibilité de ne pas faire de nous des méditants robotisés au coeur sec et déraciné, enfermés dans des rôles pontifiants. Une terre est une histoire, un être humain une bibliothèque de sagesse, le féminin-masculin oeuvre à féconder l’à-venir d’un présent neuf, l’enfant est porteur de merveilleuses radicelles d’éléments. Ré-investir le cosmos de notre participation symbolique et poétique est l’élan de la biche de demain.

Je m’égare dans la forêt de mon coeur enthousiaste, revenons donc à la question de départ.

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La chapelle-de-Guinchay – janvier 2014

Pour bien répondre à cette questions, considérons les différentes dimensions du terme « méditation » :

Ce terme peut désigner l’expérience destinée à nous faire voir et réaliser la véritable nature de ce que nous sommes, déjà là mais voilée par la confusion et les illusions. Cela s’intègre dans une compréhension plus vaste qu’un simple exercice de détente ou de bien-être. Cela demande une progression, une intelligence par petites touches pour une bonne intégration dans le contexte qui est le nôtre.

Méditer peut aussi être décrit comme ce qui permet d’être pleinement conscient à l’instant, remarquant chaque détail de l’expérience, telle qu’elle est, sans chercher à la juger ou à la modifier. Méditer est alors l’exercice qui nous permettra de faire l’expérience de l’instant, là où il est justement possible de réaliser la vraie nature de toutes choses.  C’est à ce croisement de présence à l’instant que les deux aspects se rejoignent.

Pour développer cette présence lucide, attentive, dans tous les moments de notre quotidien, nous utilisons des supports de méditation. Le support le plus universel que l’on retrouve dans beaucoup de traditions est la respiration. S’entraîner à être dans la pleine présence, à l’instant, sans juger ni rejeter ou modifier l’expérience est la façon la plus directe et simple de présenter la pratique de la méditation. C’est pourquoi, on peut appeler cela, comme le font certains aujourd’hui, « pleine conscience« . Par cette appellation, on insiste sur les bienfaits physiques, psychiques de la méditation. Ainsi, des études faites sur les personnes pratiquant la méditation ont permis de mettre en évidence des changements dans l’activité et la structure du cortex cérébral. Il est évident que la détente, la réappropriation de l’attention, la reconnexion d’avec soi, la bienveillance, ont des effets positifs, prouvés ou non scientifiquement. Dans la question qui nous intéresse, ces études peuvent encourager des personnes âgées à méditer. Il y a des effets, des bienfaits, du point de vue physique, psychique. De nouvelles connexions, chemins neuronaux se font. A tout âge il est possible d’enseigner des exercices liés à la présence au corps à travers les ressentis, sensations corporelles, attentif à tous les détails de l’expérience. Cet aspect relaxant favorisant l’attention et la clarté sont certes des bienfaits considérables mais au-delà il y en a d’autres, liés à l’ouverture du champ de conscience et à la compréhension de la nature de ce qui est.

La chapelle-de-Guinchay - janvier 2014
La chapelle-de-Guinchay – janvier 2014

Le mot « méditation » ayant une coloration qui reste religieuse ou exotique, il n’est pas toujours facile de bien communiquer à son sujet, dans notre contexte. Nous rencontrons de nombreux préjugés et réticences. Souvent on l’oppose à l’action.  Les représentations caricaturales et les images qui circulent nuisent au sens véritable et universel de l’expérience. Certaines façons d’enseigner encouragent ces travers. Aujourd’hui certains courants essaient de déshabiller la pratique de la méditation de ces costumes vieillots et inadéquats. Certes c’est une entreprise délicate mais nécessaire.

Le terme « pleine conscience » ou présence que pour ma part j’utilise comme équivalent aide à dépoussiérer ce terme parfois si problématique de « méditation » dans la communication. Le terme de « pleine conscience » n’est pas non plus si évident puisqu’il est lié aujourd’hui à l’approche de J. Kabat Zinn, un contexte particulier, médical où un protocole de détente et d’attention au corps aide les personnes malades, dépressives ou dépendantes. Toutes ces approches, ces subtiles nuances font partie de l’état des lieux actuels de l’implantation de la méditation dans ses multiples formes et aspects. Comme le Bouddha par son enseignement a donné lieu  à de multiples approches où, selon la sensibilité des transmetteurs et les lieux, des points différents ont été mis en avant. De même de nombreuses approches se développent par la fécondation inévitable de deux terres, celles d’orient et d’occident. L’inspiration que le Bouddha a insufflé jusqu’ici continue de croître encore aujourd’hui. Le vivant bouge, ne craint pas d’évoluer si cela est nécessaire, de laisser tomber en chemin ce qui doit l’être.

St-Martin-Lestra - janvier 2014
St-Martin-Lestra – janvier 2014

En résumé : vous savez respirer, vous pouvez méditer est le rappel que la méditation est une approche très simple et très facile quant à l’outillage nécessaire pour commencer. Bien sûr c’est une réponse rapide et raccourcie. En réalité, la méditation dépend d’une prise de conscience et de la motivation qui en découle. Cette motivation n’est pas liée à l’âge : vous avez pris conscience que certains aspects de la vie ou de vous-même sont forcément insatisfaisants. Les choses ne sont pas telles qu’on aimerait qu’elles soient, vous réalisez aussi qu’il est dans la nature humaine de vouloir changer cet état de choses. On déploie beaucoup d’énergie à résister, repousser ou s’éloigner de ces sensations d’insatisfaction. De même on essaie de retenir, de maintenir, de fixer les choses qui nous semblent satisfaisantes. Quant aux autres, ni agréables, ni désagréables, en général, ni on ne les perçoit ni on ne les remarque. Avec l’âge et l’expérience, nous entrons dans un temps favorable à la méditation où la vie a préparé le terrain pour intégrer la méditation d’une manière naturelle et ressourçante. Certes, dans nos sociétés, nos façons de vivre suscitent plutôt de l’attachement, le désir de rester jeune, la croyance que nous sommes immortel. Dans cette vision, l’approche de la mort n’a rien de serein ou de naturelle. A un certain âge, la conscience de l’impermanence, la disponibilité, la sagesse inhérente à notre nature a une certaine intensité. Par la méditation et les portes qu’elle ouvre à un nouveau champ de conscience et d’exploration de celui-ci, nous interrogeons encore autrement ce que nous sommes : qui suis-je? qui naît? qui meurt? qu’est-ce vivre, mourir? qu’est-ce qui est sacré dans la vie? etc. C’est aussi le moment de vraiment résoudre ce qui doit l’être, de pacifier, de réconcilier, de se libérer. La conscience de l’urgence alliée à la détente de moins d’attachement accélère les processus d’évolution.

La méditation nous enracine dans la terre de l’instant, développant une qualité d’être plus que de faire. Cette dimension d’être est ce qui déterminera l’action car lorsque nous sommes présent à la globalité d’une situation ainsi qu’à ses détails, notre vue est plus claire et nos actions sont moins déterminés par nos conditionnements habituels. Aujourd’hui, nous pouvons avoir un âge avancé, être plus que jamais curieux et actif et en même temps profiter des avantages de notre expérience de vie. Tout cela concoure à éveiller la sagesse inhérente à l’être que nous sommes. De manière absolue, la nature de l’esprit n’a pas d’âge. Néanmoins, de manière relative, il est nécessaire d’établir à nouveau une connexion, un contact pour que cela se révèle. La méditation est cette passerelle de re-liaison, ce miroir d’inconnaissance qui nous invite à entrer nu et neuf dans l’expérience. Tel nous sommes venus, tel nous partirons, nu et les mains vides.

St-Martin-Lestra - janvier 2014
St-Martin-Lestra – janvier 2014

4 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. Marzo Ghislaine dit :

    Merci pour tous tes écrits, j’aimerai un jour trouver quelques lignes sur l’adolescence. A dos les sens ?

    1. Wangmo dit :

      Bonjour Ghislaine, il y a quelques articles comme par exemple celui ci : https://plumesioux.wordpress.com/2012/09/16/ladolescence-un-temps-pour-leveil/

  2. Catia dit :

    La méditation ?! Un temple qui s’ouvre où mon expérience peut s’assoir sur la terre, en savourant ses fruits mûrs ??!! Merci Wangmo de ta sagesse rieuse !!

  3. yveline broquet dit :

    très touchée d’avoir eu une si belle réponse à ma question !!!
    Merci Wangmo d’avoir mis de belles paroles qui vont couler comme un doux fleuve dans nos esprits

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