La multidimensionnalité de l’expérience

Engoncés dans le carré de nos visions limitées, nous passons à côté de la multidimensionnalité de l’expérience. Une vision domine, celle de la pensée analytique, logique et rationnelle, qui bien que pertinente lorsqu’elle se manifeste dans la dimension appropriée de l’expérience est néanmoins frustrante dans une appréhension globale de ce que nous sommes, de ce qui se joue à chaque instant. Nous vivons dans un monde déjà enchanté mais nous ne cessons de l’oublier.

7548200578_8556595e70_zPlusieurs dimensions de l’expérience sont vécus simultanément. Par exemple, dans un article précédent, nous évoquions les cinq énergies de sagesse. La tendance réductrice serait de les mettre dans des petits carrés séparés et de s’identifier à un carré. Ainsi on s’enfermerait dans : je suis vajra, bouddha etc. Cela ne servirait pas à grand chose et surtout nous ne parlons pas de cela. Nous sommes les cinq énergies en même temps, en quelque sorte, dans un processus dynamique et changeant. Kaléidoscope, hologramme, mandala, choisissez l’image qui vous parle pour sortir d’une vision linéaire à deux dimensions. Nous pouvons à la fois ressentir de la peur, le besoin d’agir, le manque de confiance, la confusion, le désir d’espace etc. Pour comprendre ce dont nous parlons, il est essentiel d’entrer dans une vision olympoétique de la réalité.

La vision la plus immédiate, tangible, concrète, celle que nous avons développée dans notre parcours scolaire est l’analyse, le pouvoir de la logique qui isole les objets, les décompose afin de comprendre leur fonctionnement. cela amène aussi un certain discernement d’un bon sens partagé, comme le rappelle Descartes dans sa méthode. Analyser, questionner, essayer de comprendre est l’aspect positif de ce niveau. Mais si nous nous arrêtons là nous passons à côté de strates archéologiques plus anciennes, plus tripales qui ne manquent pas d’être là aussi. Le second niveau d’appréhension du réel est celui que développe la dimension systémique, écologique, qui met l’accent sur les liens et les relations, comme partie d’un ensemble plus vaste. Une vision qui inclut ce qui se passe entre, moins focalisée sur les objets à analyser en tant qu’individualité mais plus sur les liens de notre immersion dans le milieu ambiant. Nous parlons souvent de l’environnement comme si il y avait quelque chose d’extérieur autour de nous. Or nous y sommes immergés, l’environnement est le milieu ambiant dont nous ne sommes pas séparés. Cette vision, sous l’effet des thérapies familiales, de l’écologie, de certains mouvements vient compléter l’intelligence analytique du premier niveau. Il est possible d’envisager les problèmes en ciblant ces deux niveaux et d’apporter des solutions en respectant le mode d’approche de chaque niveau. Cela se fait parfois naturellement, lorsqu’il y a une possibilité d’échange et d’ouverture dans la discussion ou la recherche de résolution de problèmes. Les moyens que nous allons employer et leur pertinence dépend de la vision que nous avons du niveau où se situent les problèmes. Nous ne pouvons résoudre un problème si nous restons dans le carré du problème. Une autre façon de dire qu’il est essentiel d’élargir sa vision, de voir dans la globalité et le détail pour bénéficier de plus de solutions. Si ces deux niveaux qui abordent les aspects concrets, tangibles de la réalité sont facilement compréhensibles, cela devient moins évident lorsque nous regardons de près les autres strates de l’expérience, moins visibles, plus subtiles.

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Après l’analytique, vient le systémique puis le symbolique. L’intelligence de cette strate, celle du symbole, pourtant si active est bien souvent ignorée. Le symbole utilise le langage de la résonance, ce qui nous parle dans un contexte, en relation avec le vécu émotionnel du moment. Le monde nous parle, ce qui nous arrive nous parle sur un mode qui n’est pas celui des deux niveaux précédents. Le monde du symbole est lui aussi celui d’un point de vue qui n’a rien d’absolu. Cela signifie qu’un symbole n’a pas de sens en soi mais est relatif de là où nous sommes placés. Ce qui lui donnera son sens est notre position à l’instant. Lorsque nous regardons les constellations dans le ciel, nous voyons que ce que nous nommons : la grande ourse, la casserole, le taureau etc , cela est dépendant de notre situation sur terre. De là où nous sommes nous voyons cela, ces formes prennent sens en relation avec les formes que nous connaissons, les images de notre culture . Mais du point de vue de l’espace ou si nous changeons de paradigme ces formes disparaissent. De même d’autres cultures regardant le ciel y voient d’autres formes. Ces symboles sont l’énergie active d’un quatrième niveau qui est celui des archétypes. Modèle de tous les modèles qui nous dépasse et se manifeste pour nous rappeler les grandes forces à l’oeuvre que nous ne comprenons pas, ne contrôlons pas et que nous subissons. Le héros de la mythologie ou le héros d’éveil, les traditions, les approches spirituelles appartiennent à cette dimension. Si nous ne sommes pas suffisamment ancré dans les deux niveaux précédents, il se peut que nous nous évadions dans les deux prochains niveaux, par l’idéalisation ou le matérialisme spirituel. Chaque strate comporte des dangers individuels et collectifs. Une vision est un point de vue. Celui-ci peut être limitant, excluant, intolérant, auto-référent, bref chaque niveau vit des dynamiques d’ouverture ou de fermeture. Vivre les dimension symboliques et archétypales sans la globalité de l’ensemble est tout aussi dangereux pour l’équilibre personnel et collectif que d’en rester aux niveaux plus terre à terre des deux premières dimensions. C’est pourquoi, en général, intuitivement, nous nous méfions, à juste titre, des communitarismes, des esprits sectaires, des institutions qui entérinent leur pouvoir au détriment des individualités.

Les constellations vues selon les différentes mythologies
Cliquer sur les photos pour les voir en grand

Comment ces niveaux peuvent-ils être vécus au quotidien ?

Prenons l’exemple d’une personne dont la situation professionnelle est difficile : cette personne se sent dépassée car sa charge de travail imposé dans son milieu professionnel est trop lourde. L’impression que l’on décharge le poids du boeuf sur l’âne ou que c’était à faire pour avant-hier finit par créer des tensions corporelles, émotionnelles. Le burn out n’est pas loin. Les compensations s’en donnent à coeur joie car il faut bien décompresser un peu mais cela a un prix sur la santé peut-être. Quand on rentre le soir, on boit un petit coup et puis cela devient indispensable et on ne sait pas comment sortir du cercle vicieux. Le premier niveau va s’exprimer par des tensions car les contraintes vécues amènent assez vite à des impasses. On remarque que d’autres vivent cela aussi. A-t-on raison de subir cela? N’est-ce pas nous qui devons nous remettre en cause? Peut-être sommes nous incompétent? On a une analyse de la situation sur un plan rationnel, on a bien vu l’engrenage mais on reste tendu, bref on tourne en rond, solitaire, dans le carré impuissant de ses idées noires. Le deuxième niveau vient lorsque nous réalisons que nous travaillons avec d’autres, dans une entreprise, par exemple. Nous sommes donc une composante d’un système. Nos tensions individuelles sont aussi le reflet de tensions collectives, de la relation de ce système avec d’autres, économique, politique, social, mondial. Ainsi sur les épaules d’une personne s’ajoutent le poids de ces tensions et rouages collectifs en plus de l’impuissance rationnelle à résoudre ce problème de surpoids de travail. Difficile de mettre un nom sur un responsable, la situation semble échapper à d’autres aussi. Comme si les rouages d’un grand système nous maintenaient nous, petits systèmes, dans une forme d’esclavage.

Le niveau symbolique est celui des résonances émotionnelles de cette situation avec d’autres situations émotionnelles que la personne a vécu. Elle ne peut s’empêcher de donner du sens à ce qui n’en a pas dans l’absolu. Elle fait des liens dans l’invisible, se raconte des histoires au sujet de ce qu’elle commence à vivre comme une épreuve. Elle a des rêves significatifs qui sont le miroir du fond du puits. Elle cherche un sens pour essayer d’intégrer ce qui lui arrive. Ces résonances sont comme les constellations dans le ciel. Elles font apparaître un dessin, un dessein. Elles nous mettent en contact avec des énergies fortes et universelles sur lesquelles nous ne savons pas toujours mettre des mots. D’ailleurs les images sont ici plus appropriées. Les images qui mènent au-delà de l’image, nous ouvre une porte sur l’infini fécondité de la nudité. Après l’image il y a la nudité fondamentale et spacieuse de l’énergie qui n’a pas de visage, pas de forme et qui donne naissance à toutes les formes possibles.

La dimension suivante, archétypale est le fait de réaliser que nous vivons des épreuves à l’infini. D’infinies combinaisons se produisent. Tel le héros aux prises avec ses travaux, ses accomplissements, le sentiment de nos limites nous pousse activement à les repousser dans un mouvement d’adhésion au mouvement même. La destinée du héros s’actualise à travers des épreuves, celles que les dieux ont décidé pour lui, pour l’éveiller à une plus grande dimension de lui-même, afin qu’il trouve et prenne sa place dans cette dimension qui est celle de l’esprit, plutôt que de résister à cela. Il ne s’agit pas cependant de subir telle une victime face au bourreau ou de devenir son propre bourreau. Mais de cesser de protéger ses carrés pour les vivre en volume.

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Comment sortir du cercle vicieux des carrés?

En incluant une cinquième dimension, celle où nous pouvons justement faire vivre en conscience l’ensemble et la spécificité de chacune des visions. Cette  dimension est celle de l’espace vivant, de la présence qui aide à reprendre confiance, à rééquilibrer, à accepter sans résignation ces multiples dimensions, à apprendre à les célébrer respectivement. Ainsi il est important de s’entraîner à bien penser, d’être attentif aux autres, de nourrir sa vitalité psychique, de s’ouvrir à l’espace terre-ciel. A l’aide des contes, des mythes, des constellations et de la méditation nous prenons soin de ces dimensions oubliées mais néanmoins actives. Nous réalisons les méfaits de l’inconscience, de la dépendance, de la négativité et de tous les extrêmismes. Nous oeuvrons en nous aux métamorphoses que nous souhaitons voir advenir, sans idéalisme, sans garantie de réussite, juste encore et encore l’adéquation à l’instant porteur de limites et de capacité à les repousser. Parfois ce sont des événements douloureux, tragiques, parfois des petits détails insignifiants, qui vont activer nos capacités à repousser les limites, celles imposées par le passé, l’éducation, la morale, la religion, celles que nous nous imposons à nous-mêmes, dans la fadeur, le conformisme et l’uniformité.

A présent, sortez de chez vous et regardez le ciel. Plongez votre regard, abîmez-vous en l’espace silencieux et infini qui s’offre à vous, glissez-vous dans la belle sensation d’humilité et de nudité du coeur. Faites cela le plus possible, levez les yeux, regardez le ciel. laissez les nuages, l’azur, les étoiles vous revigorer, balayer les identifications. De l’espace pour désolidifier, dé-tendre l’esprit, re-tendre les forces vives en présence. Respirez, soufflez, inspirez, regardez le ciel. Au travail, au bureau, en réunion, jetez un coup d’oeil à votre étoile et souriez.

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5 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. pierre dit :

    Le vide est forme
    La forme est vide
    et voici la vacuité dans toutes ses dimensions dans toutes ces expériences vives aussi merveilleuses que tragiques
    La pleine conscience s’impose dans le labyrinthe du miroir
    Au delà des trois temps le héros signale l’instant présent
    richesse du vide et de la forme

  2. Nathalie Boyer dit :

    Oui,oui,oui !!!!!!

  3. catia dit :

    Oh oui !! Regarder les étoiles, la lune, projeter mon regard dans l’immensité du ciel est une invitation à ressentir l’humilité, seulement, un grand merci Wangmo, de me rappeler à la nudité du cœur !!

  4. guilhem dit :

    j aime

  5. claudine chevalier dit :

    4 formes d’expression: analytique, systémique, symbolique et archétypale qui petit à petit me deviennent familières. Je découvre l’ouverture, la communion, la diversité, l’espace … Cet écrit, semblable à une pierre précieuse scintillant au clair de lune, est doté d’une force saine. Aujourd’hui je sens que je l’apprivoise. Merci Wangmo.

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