Etre sage c’est savoir savourer, goûter la saveur particulière des êtres et des choses, c’est entrer dans la vie sans le préconçu d’un indice. Ce n’est pas rester à la périphérie du monde en regardant les autres se noyer dans le miel acéré de leurs illusions, même si cela reste une option toujours possible sur laquelle on aimerait cliquer de temps à autre. Etre sage c’est savoir qu’on pourrait choisir le confort du déni mais qu’on ne va pas le faire. Etre sage c’est sentir la luciole inspirée nous tourner autour et ne pas lui résister.
Etre sage c’est donner au ventre, aux intestins, aux tripes leur place. Appréciant le goût d’un bon repas vous pouvez l’offrir en connaissance de cause, vous savez le prix du renoncement. La compassion n’est pas le mépris d’un faux détachement, mais l’offrande d’un véritable attachement. Etre sage c’est connaître tous les excès de rouler sous la table et savoir s’arrêter. Tel le bouddha instruisant le serial killer Angulimala de cette phrase lapidaire : il y a longtemps que je me suis arrêté, toi aussi tu peux – sous entendu de tuer des êtres et non d’en être incapable sous prétexte que lui le bouddha ne l’aurait jamais fait étant un dieu à la moralité irréprochable, bien mis de sa personne et socialement, politiquement et spirituellement bien sous tous rapports et convenances extérieures. Le bouddha reconnaît que lui aussi a eu le potentiel d’un criminel, ignorant des souffrances infligées à soi et aux autres. Ayant parcouru ce franc chemin de se dire la vérité, voire ses quatre vérités, il est sage seulement en devenir, car il ne revendique aucun état absolu sur les flots du moment. Il sait qu’il ne possède rien et jouit de cette grande liberté au sein des plus beaux palais. Le récit des vies antérieures du bouddha ne sont jamais que des façons de dire que nous sommes depuis des temps sans commencement des êtres pluriel aux formes innombrables appartenant à tous les règnes, et que développer l’envergure et la puissance du coeur reste la vacuité essentielle, ce qui demeure, ici et maintenant.
Etre sage c’est ne pas savoir qu’on l’est et se souvenir seulement de son humanité, sur ce Angulimala est touché de plein fouet et sa conscience se retournant comme une crêpe tombe dans l’espace originel de l’instant à tout jamais.
Le sage met son tablier entaché des couleurs de la vie pour enseigner la cuisine de l’expérience inconditionnelle. Sa compassion n’est pas un arrangement avec l’énergie cosmique évaporée, elle est sincère et sans mélange, une parfaite céréale du coeur qu’il offre avec joie et bonheur, les mains dans le saladier- c’est imparfait je sais mais venez mes amis partageons ce bon repas car demain nous serons peut-être des ennemis jurés, faisons le souhait qu’en l’énergie de cette bouchée divine le mauvais sort nous épargne car nous saurons peut-être ne pas oublier que cet instant contient toutes les gratitudes, dicibles et indicibles. Etre sage c’est ne pas présager des fuites de demain.
Etre sage c’est savoir se mouiller, mettre ses bottes à mille pieds pour se botter les fesses et retrousser ses manches de soie, c’est avoir traversé tous les désespoirs et les cynismes aigus de l’absurdité, c’est avoir triomphé de l’arrogance et des espoirs illusionnés de se raccrocher aux branches alors que tout vous lâche, alors que tout est lâche, lâche!
Etre sage c’est être mort à toutes les images inoculées depuis l’errance, fabriquées et superflues, détentrices du pouvoir d’autrui, c’est être libre de tous les sorts à jeter, c’est accepter d’être nu et jeté à la rue, c’est n’être rien qu’un trou du cul pour le bâton à merde de l’éveil.
Etre sage … j’aime ta façon de l’envisager, ta façon de te le dire Merci Wangmo.
Pour trouver la sagesse du coeur, allons-y franco, sans faux semblant, sans rond de jambes. C’est comme ça que nous avançons, bien enracinés dans du concret entourés d’espaces infinis.
Quelle belle piqûre de rappel à la sagesse, vivifiante, qui fouette grave la vérité….;0)