s’il te revenait de mémoire le bruit d’un mouchoir tombé à
l’effacement sonore d’un chagrin si violent que retenu
tu pourrais voir au-dessus des champs inondés
les hélices d’un coeur tout entier peler des grains de blé
le ciel en hémorragie plisse ses fronts nuageux –
il pleut des âmes en bord de cil et l’oiseau chante dans
la langue d’orphée des ave maria syncopés –
quelque chose cherche à s’envoler à quitter son suaire de peau
à monter vers le haut des plateaux ou peut-être bien à tomber de
l’autre côté des mots –
des chaussures vides attendent leurs pieds disparus
tu n’iras plus allonger ton pas vagabond aux tendres sablons
tu laisses à d’autres le garrot du jour blesser leurs semelles – qu’importe!
tu t’épaves en tourelles de sureau où des insectes procèdent à
l’office du soir – tu continues autrement à ouvrir les portes naturelles
de l’instant –
sifflent des hélices au dos des pruniers malmenés
le printemps avive le chagrin des fleurs secouées par le vent dont le
coeur tout entier est un chantier inachevé d’éternité –
s’il te revenait de mémoire le bruit d’un mouchoir tombé
tu retrouverais la piqûre des azurs morcelés abandonnés
au bord du chemin tu ressentirais l’épine de l’exil –
alors que plus personne ne se retourne sur
la beauté d’un épi incendié tu verrais les yeux caïman
des étoiles lancer des rubis sur la tête des hommes
et quelques fées marcher sur le piano désaccordé des corps –