tu entends parfois le coq de la mer courir dans ses bruyères d’eau et faire un bruit à tout casser à tout rompre de tes os –
il suffisait de vouloir partir pour que se trace le chemin –
sous la flanelle des nuages tu rêves liège au bouchon de tes souliers comme des voiliers –
un air de déjà vu remonte à la surface comme une tête coupée qu’on aurait essayé de noyer et qui résiste au large bercé de bermudes – le jour se fait flacon –
il est l’heure de charger ses démons à dos de crépuscule
de les jeter dans des précipices de gaieté des feux de cheminée à l’orégon de cendres relookées – tu t’ouvres à la vibration invisible de pas multipliés derrière toi – la mer a ses rengaines de sable ses remugles d’étable ses éponges d’asile –
comment pourrais-tu savoir les moments qui décident du destin?
même en te mettant sur la pointe des pieds sous le granité des mots et la vanité des ballets l’abîme se fait court –
sous la porte entrebâillée la forêt entière de la nuit déverse ses blancs filaments en brochets de dentelles ils nagent sur le plancher épandant des silhouettes en constante aversion – quelque chose se trame à l’évidence du moment où la pointe des pieds s’use au plafond des couleurs –
tes yeux s’écarquillent – des camions de lune déchargent leur cargaison d’argent – les étoiles barattent le fond cosmique de leurs braises confites et boxent l’azur – tout s’éteint d’un futur que tu savais de toutes façons incertain –
régulièrement l’immeuble de la mer s’effondre sur lui-même – au coeur de la douleur il y a l’immensité minérale du ciel la cruauté des miroirs de hasard titubant d’un vertige au bord du néant et aussi un cyclone de joie qui cache bien ses méduses –
certains jours tu te laisses aller au délacé de vents d’antan qui te font partir sur la pointe des pieds là où se trace un chemin au
bouchon de tes souliers mouillés comme des voiliers –
au moment où je lis « sur la pointe des pieds » –
merveilleux texte –
un orage puissant arrive dans le ciel
il envahit très vite la voûte céleste
sa masse chasse l’air et des bourrasques violentes surgissent comme autan de têtes entêtées d’Hydres de Lerne
un gris profond prend la place du bleu
des éclairs immenses blanc argent fissurent le monstre de charbon
des oiseaux affolés ont des vols désordonnés
des voiliers aux voiles déchirées flottent comme des souliers de liège
sur l’ouragan déchainé
une joie profonde immuable au coeur
inconnue guerrière
inconnu guerrier
parachutes de coquelicots
ventres déchirés
le ciel finit par s’ouvrir
terres fécondes
plaine de blés d’or ondulants en vagues de conscience
merci
merci
merci
mille fois
et plus encore
merveilleuse poésie
à la fois enseignement et thérapie
à la profondeur d’un être éveillé
merci