Comment ralentir dans un monde qui s’accélère ?

la question est précisément celle-ci : Comment concilier « ralentir son rythme pour favoriser l’attention au quotidien » et vivre dans un monde en accélération constante?

23460398_8e4d6e9dc4_zRalentir son rythme pour favoriser l’attention au quotidien est une phrase que j’ai prononcée lors d’un week-end dans le contexte d’un enseignement sur les énergies de sagesse. Il ne s’agit pas de ralentir pour ralentir ou parce que ce serait mieux. Cela donnerait une impression de sérénité. Non, il n’est pas question de cela. La seconde partie de la question est aussi à interroger : le monde est en accélération constante : est-ce une croyance, une peur? de quel monde et de quelle accélération s’agit-il? ai-je constaté, vérifié personnellement cette accélération? Dans quels domaines de ma vie cela a-t-il un impact? Est-ce l’accélération du monde ou l’agitation de l’esprit qui est le vrai problème? Y-a-t-il un lien entre les deux? L’on pourrait remarquer aussi que le rythme de la méditation dépend de moi alors que l’accélération du monde est un phénomène qui me dépasse largement. D’autre part, pourquoi vouloir concilier l’inconciliable? Bref cette question en soulève beaucoup d’autres. Pour y répondre, je vais simplement revenir sur le contexte de l’enseignement.

Ralentir signifie ici mettre en oeuvre en conscience l’antidote à la précipitation, à la réactivité qui ne permet pas de voir les sensations qui émergent ni de développer une vision suffisamment globale des situations même anodines. Il ne s’agit pas de se décaler en permanence et de fait se sentir en dehors du monde. Ralentir est l’opposé de réagir en pilotage automatique. Tant que nous n’avons pas pris conscience de cela, il est difficile de transformer nos schémas habituels. Ralentir le rythme effréné habituel qui nous empêche de voir, qui fait que nous zappons et restons à la surface alors que se vivent de multiples sensations, pensées, émotions auxquelles nous sommes inattentifs et qui ont des conséquences sur notre sentiment intérieur. Certaines angoisses diffuses ou sensations de mal-être viennent de ce surdosage d’informations qui n’ont jamais le temps d’être digérées. Le mieux étant pour les digérer de prendre le temps de les savourer vraiment. Le même processus est à l’oeuvre lorsque nous mangeons, il est conseillé de bien mâcher, pour se sentir rassasié, pour connaître la satiété et réduire un appétit insatiable. Qu’est-ce que mâcher sinon revenir aux détails de l’action à l’instant, y être pleinement présent. Qui ne connaît l’expérience du grain de raisin sec ou de la mandarine dégustés avec tous les sens de la pleine conscience? un classique! Si vous mâchez vous ralentissez mais vous réussissez quand même à manger sans que cela vous prenne la journée! donc ralentir est juste s’apercevoir de sa précipitation, agitation, manque d’attention, de présence. L’esprit part comme un cheval au galop dans les pensées et laisse le corps derrière lui. Or lorsque le corps et l’esprit s’unissent à travers un support comme le souffle par exemple, un sentiment de bien-être et d’harmonie, de vitalité se fait sentir.

2668411239_9c8d7b2342_zApprendre à savourer l’instant est une autre formulation de « ralentir son rythme pour favoriser l’attention au quotidien ». Cela peut se traduire par : avant de répondre à un interlocuteur, respirer profondément et voir d’où l’on parle, voir sa motivation intime, se poser puis parler sans essayer de se débarrasser de ce que l’on a à dire mais le formuler avec clarté et tranquillité. Ou encore vous marchez comme un automate, enfermé dans vos ruminations, revenez à l’instant à la sensation de marcher. Décider d’être attentif produit un subtil décroché de l’action automatique qui se traduit  naturellement par un subtil ralentissement, que d’ailleurs personne ne remarque. L’attention se met au pas des détails tout en étant pleinement ouverte. Vous en ressentez alors une qualité de présence au monde et de détente qui rend votre parole ou votre démarche plus aisée.

Ce ralentissement est celui de la pause, d’un temps de prise de conscience, de savoir que l’on est toujours relié à sa propre énergie, son propre équilibre, sans perdre l’ouverture. C’est le temps d’une coïncidence, d’une synchronicité entre ce que vous ressentez et l’ouverture à la situation. En fait cela ne demande pas tant de changement, juste revenir à l’énergie bouddha, de simplicité d’être, d’ouverture et de connexion à l’ensemble de la situation : vous, l’autre et tout le reste. Exercer son attention est voir les détails pour une meilleure action, en adéquation avec l’ensemble de ce qui a lieu. En même temps, cela peut être un changement décisif si vous n’avez jamais fait cette expérience.

Que le monde soit en accélération constante signifie la plupart du temps que nous avons, dans notre vie quotidienne, de nombreuses actions à mener de front et pas assez de temps pour cela. Alors si en plus il faut ralentir! Nous devons exercer notre discernement et reconnaître nos limites. Bien sûr tous les problèmes ne seront pas résolus avec cette formule mais si nous essayons de départager entre ce que nous subissons et ce que nous choisissons. faites l’expérience : prenez une feuille, faites deux colonnes : ce que je dois faire, ce que je choisis de faire. Beaucoup d’agitation résulte du sentiment d’être victime ou de ne pouvoir faire autrement . Une fois écrites, regardez vos deux listes et re-choisissez librement les actions qui vous semblent essentielles au quotidien. Peut-être que certaines activités ne sont pas indispensables ou n’ont pas autant d’importance que vous l’imaginez. Ou que certaines peuvent être vécues sans se sentir victime. A une époque où on surfe, on zappe, on réseaute, il est important de redonner du sens et de ré-évaluer régulièrement ces actions. Sont-elle devenues des automatismes, des attachements, des dépendances ? Régulièrement il est bon de se demander si on se sent en surcharge, en boulimie, car l’avidité n’est jamais loin, s’il n’est pas nécessaire de ralentir et de reprendre contact avec le fait d’être simplement. Donc ralentir dans un monde où l’on se sent perdu et sans repère, saturé, à force de trop d’informations, pour prendre le temps de décider où l’on veut aller est un exercice de liberté. Sortir la tête hors de l’eau avant d’être complètement englouti et continuer à nager.

6715245281_22ce39cc46_zMéditer c’est s’arrêter, se poser un temps sur un coussin, voir que nous en avons la possibilité, le choix, la liberté de le faire. Cela n’est pas réservé aux loisirs, aux personnes déjà à la retraite. Quoi que nous fassions le temps passe. La vraie question est de retrouver un espace de liberté. Ralentir au sens où nous l’avons défini au cœur du quotidien, c’est apprendre à intégrer en toute situation l’espace que nous avons découvert dans la méditation sur le coussin, un temps qui ne renonce ni à l’action ni à la pleine présence mais tient ensemble ces déséquilibres dynamiques.

Parfois la situation demande que nous soyons rapide, que nous allions vite. Ce n’est pas parce que nous méditons que nous devenons des escargots, bien au contraire nous pouvons être très efficace et selon l’énergie qui nous anime mener plusieurs choses de front. Nous serons d’autant plus prompt à l’action que nous serons en phase avec l’énergie des situations. Ralentir est une autre façon d’évoquer la pratique de l’attention. Même s’il nous semble que nous sommes un peu maladroit avec la mise en application de cette instruction, nous en verrons, avec l’entraînement, les nombreux bénéfices. La méditation n’est pas un état à part, elle s’intègre à l’action car la vie est action et mouvement. Ralentir nos gestes automatiques ou qui le sont devenus, comme parler, marcher, écouter, répondre etc. est une façon de re-choisir librement ce que nous faisons ou de lâcher-prise en vidant le sac-à-mots (maux) qui nous alourdit.

Rappel : retraite de méditation du 1er au 5 mars prochain, à Ygrande.

11 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. bonjour Wangmo, c’est drôle, j’ai déjà lu, entendu ce type de “recommandation” de nombreuses fois, je le sais… et ne le fais pas ! cette fois, cela me parle différemment et je ne comprends même pas pourquoi, le sachant, je ne l’applique pas du tout. Mon habitude d’être hyper-active commence à peine à être entamée après plus de trois ans de cessation d’activité professionnelle ! eh bien, c’est ainsi. Je pensais que “ça irait plus vite”, que je découvrirais plus rapidement (encore ce désir de rapidité !) le plaisir de “prendre le temps”, de “ne rien faire” et je réalise que mon avidité est toujours là… Merci. Anne

  2. Marzo Ghislaine dit :

    Bonjour Wangmo, tous les jours un texte je commence à devenir addict, quelques minutes où je me pose et prends du temps pour réfléchir et méditer. Que cette veine de créativité ne s’arrête pas et continue de nous rafraîchir. Merci

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