Se retirer en l’ordinaire –
des allées du cimetière on voit le dos d’argent des étangs là bas au loin –
se retirer en l’ordinaire – en le simple appareil d’une petite racine qui sèche sur place au soleil de son errance – il y a quelques années l’église a brûlé elle est à présent sans toit juste quelques murs en ruine attestent encore de son emplacement – autrefois le clocher pointait fièrement et donnait aux lieux un charme simple – la bâtisse est aujourd’hui ouverte à tous les vents et visible seulement de celles et ceux qui ont l’oeil d’une hirondelle – en perdant ses façades elle oblige au dénuement au renoncement au dépouillement – étrangement sa vocation s’accomplit par la beauté de son effondrement – elle a la sobriété qui sied aux morts – et l’éternité retrouvée –
entre les allées on remonte le temps tout autant qu’on le descend – où mènent ces escaliers? est-il si anodin de les emprunter? la planche anatomique des cercueils se devine sous les marées de cailloux où dessous il n’y a rien que housses de chair oubliées et chaos de membres fantômes – la main d’un buisson effleure tes mollets –
j’aime à manger le pain des roses assis sur le trèfle d’une tombe – certaines sont entrouvertes une végétation dense et noire a poussé elle lézarde le regard et fascine la conscience qui plonge en ses racines évidées et fouille ses absences un peu en avance – tu voudrais bien savoir ce que ça fait d’être là et de ne plus y être –
le lierre a couru et envahi les sépultures pour la plupart devenues anonymes ses tiges ensorcelantes ont fini par épouser solidement le fer et ses rouilles et aussi la pierre –
ici et là le ciel inondé de gris se mange la foudre d’une croix – certaines tombes ont la luxuriance du péché – plaques et mots dissimulent assez mal que la vie est bancale – un oiseau commande sa part de scène d’une trille impétueuse et s’en va –
des anges essaient d’atténuer le présage de la faucheuse en lui donnant un masque de soufflerie dodue – mais à elle la faucheuse tout lui va et rien ne l’impressionne rien ne l’arrête rien ne la dupe – tout finit en s’énuageant à la face de plomb de balles tirées au hasard – inutile de te cacher dans ton placard d’os et de peau –
on se balade entre les tombes et on entre dans un temps qui nous fait disparaître – nos regards poussent les grilles qui abolissent les frontières – il est plaisant de plonger dans les délices des hiers que la mort tempère –
des morceaux de ferraille ensevelis dépassent des caveaux éventrés qui laissent filer leur nuit d’outretombe – cependant nul conflit dans ces tranchées sans armes seulement et peut-être des regrets –
j’aime à manger la simplicité essentielle – sous l’évanescence d’une rose une foule d’ancêtres se presse à ma porte – alors que je relisais cette phrase ce que je suppose être un oiseau s’est violemment cogné contre la fenêtre de mon bureau avec un bruit sourd de petit obus éclaté – je suis descendue voir mais rien – un rien ouvert comme un point d’interrogation – comme une cage désemplie – comme un trait d’union évanoui –
se retirer en l’ordinaire du jour – attendre dans le couloir du soir que les morts distribuent leur pain de roses et se sentir rassasié des illusions tombées –
Bonjour Wangmo Je ne lis pas tout ce que tu nous envoies, mais aujourd’hui je suis éblouie par « Le pain des roses ». Quelle poésie ? Je dispose d’un bout de jardin en bas de notre immeuble. Quand j’y travaille, outre le fait que ça sent la terre, je cueille les mots des passants. En ce moment je regarde avec joie, les bourgeons s’éclataient des boutures que j’ai faites à l’automne Belle journée presque printanière. je t’embrasse Anne
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Bonjour Anne, merci de ton regard partagé. En lien de coeur et de plumes 🙂