Au creux du buisson d’épines qui bruissent un crabe de soleil lentement
déplace ses pinces d’argile un frisson parcourt l’échine un cri d’oiseau
traverse l’espace puis s’étiole et disparaît –
le vent avait brisé la barrière –
la rose déploie ses ailes rouges les ouvre au
matin naissant mais la langue où traduire le
chagrin lui manque et
les pétales tombent dans
les petits gouffres luisants d’épines et
de sang
tombent en criant
un cri sans mot qui
s’étiole et disparaît
au verso
d’un mouvement d’air
qui déplace les choses
les inverse et
les enveloppe dans un
vieux journal
pour en faire un
bouquet de soucis
raccourci au
sommet –
le vent avait corné la page à la rubrique éléphant de mer
le toit de tôle bougeait avec
l’arrivée des vagues à la surface du
buisson bruissant d’un souffle tiédi à
peine perceptible sous la frange du
levant –
une douce amertume berçait le flanc de la
rose éclose – quelque chose arrachait sa
tête de linotte qui dansait
féminine et acrobate
dans le ciel agencé
en jardin de gravité –
le soleil gémissait à
fendre l’âme au
bord de la rivière –
rien qui soit indemne –
la beauté émiettée
finissait en gelée déconfite
en cri de sureau
en souffle raréfié
que la langue imitait
mais
manquait à rendre
laissant juste
un buisson de couleurs
à l’odeur de
baleine échouée –
le vent avait dit qu’un poète ça n’existe pas
juste aller au bout droit au but
au réel en mouvement à l’indiscutable
énigmatique élastique aussi claire
qu’un tombeau de lune en plein jour –
et quoi? la vie n’est-elle pas franchir des fossés?
vider ses poches d’un mantra d’orchidée?
mettre ses bottes dans les crottes des
oiseaux de leurs cris débraillés
gisant sur la mer océan de
ceintures déliées et puis
merde alors
allons mourir ailleurs si l’envie nous en prend –
rien n’empêche la dévastation complète
rien n’empêche l’eau de
traverser les frontières de
croiser le fer d’élimer les blousons de
bousculer les
carrés bien rangés sur
l’étagère endormie –
allons cuisiner des amours désinvoltes
au parfum de gaieté sans toutefois
oublier de vider les greniers où
quelques traces sensibles sont
encore visibles au
regard qui s’attarde –
mon amie la rose
petit feu d’un nuage pétrifié
petit bambou droit comme un
pinceau vers le ciel dressé tu
attends quoi?
les mots nous manquent à
l’évidence de la salaison des souffrances –
la laitue manque à
la mer brutale qui
chasse les
chants des femmes aux cuisses
ouvertes tels des ciseaux de
guêpes incisifs et ronds et féconds –
les mots du corps
manquent à l’aurore –
le vent avait soulevé des tonnes de juments folles
qui couraient jusqu’à éluder les spectres de minuit
mais cela suffisait-il à traverser l’hiver?
je connais des femmes
qui se pendent à la fragilité des
fleurs –
j’en connais qui dévissent les
boulons des jargons – qui tranchent dans
les éclairs pour que
leur musique s’entende au
fin fond de l’espace
au fin fond de
la pluie
un cri qui
fond en
nuée d’orage sur
la plage de ton front y
fait une rose qui chaque jour
se fane s’étrécit un peu plus en
point de lumière à peine
visible pour qui ne sait
attarder son regard –
tant pis! offrir son âme
coûte que coûte
au risque de n’être
plus
qu’un disque de
cendres au
coeur du buisson –