Décalage temporelle du petit banc
face à l’immensité des couchers du soleil –
suivre la course des nuages si
vive et lente à la fois –
ne pas perdre une miette de
la beauté offerte descendre
au coeur de soi et recevoir
la décoloration progressive
qui perruque la vallée de quelques
boucles délavées et
rincées d’ombre –
assister quelques instants à la
peau du ciel qui pèle sur
l’orange du monde –
puis tout se perd dans la grisaille
des ondes à la ferraille qui tonne –
les oiseaux encerclent le
front des arbres de leur chant
épandu et entêtant puis
le silence aboie de patience –
l’ordre du monde se monte et
se démonte et
ton esprit vide ses
araignées sur le trottoir cimenté
des charniers aux
balais de couleur –
au dedans
il pleut des feuilles à l’automne arrimées –
perdues elles courent à perdre haleine vers
des ailleurs distendus –
dehors la brume étire ses
cornets blancs de bise menue –
tu ne sais plus très bien où te situer
entre le dedans et le dehors la
porte s’est abolie le
chagrin a fui sous les plis du
coussin –
s’asseoir n’importe où
et toujours au centre de
soi décaler l’image et reposer à
la périphérie apaisée du moment –
un vieux fauteuil qui semble
jamais vieux
habille les lieux de son air
démodé et fané – périodiquement sa
mémoire se ré-invente
d’un tissu neuf et brillant
qui parle de la confusion séduisante
du temps qui passe et recoud ses
boutons –
tout près
la baignoire vide ses
reflets – une paire de basket
sagement laissée là et tenue
au secret attend l’heure de
reprendre la route –
un petit banc face à
l’immensité du ciel où partir où
déshabiller son âme de papier
fragile et livrée à l’abîme des
histoires –
puis retrouver le chemin
des sans chemins qu’enseigne le
bateau des nuages toujours changeant
à l’entre-monde du vent –
ce matin
sous les plis du coussin
le chagrin
a fui quelques instants
en charnier de couleurs –
il s’est déposé ailleurs
sur le chemin des sans chemins
qu’enseigne la
périphérie apaisée du moment à
l’entre-monde du vent toujours changeant –
C’est d’une puissance et d’une simplicité indicible.
Il faisait si froid ce matin
un matin d’espace où la joie et le désespoir n’ont plus cours
une simple animation où le vivant épouse la mort
un instant shamanique où les ancêtres s’allient et trinquent avec le présent
de tes os gelés
Il faisait froid ce matin sur la plate-forme avec le vent de l’hiver déjà
qui s’engouffre dans les portes des quais de la vie et de la mort qui vous
glissent entre les doigts
Je ne suis ni triste ni heureux
je suis simplement sidéré de cette absence de centre et de périphérie
les doigts gelés le corps trop fatigué
Je continue à marcher en imaginant que c’est le chemin du don bien que je sois
une misérable bête
J’irai au bal un jour
je te le promet
Être éternel (elle ) dans l’instant
Avoir existé
Max Frisch