L’autre jour dans le métro, je vois cette phrase me traverser l’esprit : les bons contes font les bons amis et je me dis il faudra que tu écrives quelque chose là dessus. Dans la rame secouée et bruyante je croise quelques synchronicités créatives que j’ai plaisir à écouter – entendre l’appel de ce qui vient vers soi – répondre à ces petits signes qui pourraient passer inaperçu dans l’agitation désordonnée des pensées dominantes – suivre ce mince filet de lumière comme un chemin ténu et non tracé d’avance qui me fera découvrir à coup sûr la merveille d’un éveil à soi. Je suis comme ça, je mate même en échec.
Et puis il y a cette nuit là précisément d’où je vous écris, réveillée par cette phrase d’un sommeil dont je ne dormais pas.
Se lever ou attendre mais quoi? Lève toi et marche jusqu’à à ton bureau. Plus vite fait que dit.
J’aime me lever la nuit pour aller écrire, j’aime cette sensation du tout endormi dans la complicité d’un tendre silence, et là dans la douce tiédeur d’une nuit d’été qui seule entend mes pas, je réponds à l’invitation de mon inspiration et vais m’asseoir.
Me voilà dans la rame de mon ordi. Je clique et je mate.
J’attends que ça s’allume – passe un ange sous cette forme :
Il est des ciels où la lune se manque à elle-même – la femme fait sécher ses bas à la fenêtre où des rayons de clarté filent – le soleil peut aller se coucher n’importe où hors du monde elle veille au grain de peau de tous les animaux à fourrure d’ailes dit-elle et il fallait que ce soit lu c’est pourquoi je l’ai écrit –
Flash de lumière crue – Les étoiles grillonnent et moi je griffonne clac clac – un griffon d’or à l’intérieur de ma plume volée à l’oreiller creusé envahit l’écran allumé.
Les bons contes font les bons amis, font de bons amis, ceux que nous sommes à nous-même sans toujours bien le savoir. Des histoires nous nous en racontons, de bien bonnes et de bien mauvaises. Même notre mémoire est affaire de reconstruction. Comme cette tendance que nous avons à ne retenir de nos vies et relations que quelques pics brodés de négativités – qui se brodent et se brodent tout seul à force de noirceur dans la roue libre du temps qui n’existe pas tout comme la loupe déformante du mensonge qui se veut vérité absolue. Or toute l’histoire est soi, et encore soi. L’un fuit l’autre comme la peste, mais en réalité chacun est soi, l’autre et la peste. Dans ces cas d‘aveuglement du j’ai raison, difficile de voir l’ombre accrochée aux basques des laideurs consenties, seul le lecteur ou la lectrice rigole et compatit quand il voit dans le miroir aux alouettes les alouettes qui se prenaient pour des aigles chuter et disparaître. Car toute histoire a des doubles et se dédouble à l’infini, jusqu’à nous permettre des prises de conscience libératrices, à moins de nous enfermer à double tour dans le donjon de nos opinions. Prenons garde à dérouler l’histoire dans la conscience nouvelle d’un arrêt qui nous fera réaliser que chacun ne fait toujours que la moitié du chemin en croyant qu’il en est la totalité. Laisse sa chance à la chance de sourire un peu.
Les contes que nous nous contons, que nous pouvons écrire nous invitent à faire l’autre moitié des chemins laissés en suspens. Vas-y je t’écoute. C’est par là que la vie reprend, que la nourriture d’une écriture vaut son pesant d’or, de cacahouète et d’argent, nous rendant plein et vide en même temps.
Lorsque l’on est nourri ainsi de l’intérieur, il est facile d’avoir les pieds sur terre, de se sentir enraciné et de répondre à toutes les premières fois.
Quand est la dernière fois où tu as fait quelque chose de nouveau pour la première fois? Il était une fois est toujours la main tendue d’une première à saisir. Rembobine et visite les creux, les pleins et les déliés plutôt que de construire des murs mutiques à la parole de plomb. Rien de bien compliqué au fond. Chacun peut s’y mettre. De l’envie passer à la vie.
Il était une fois un milieu qui voulait devenir un début. Alors tu suis?
Dans l’axe des Cinq Racines, c’est l’invitation à activer nos ressources en allant à leur rencontre dans une randonnée narrative et créative. Cette randonnée peut avoir lieu n’importe quand. Nous sommes toujours en voyage. Nous sommes toujours dans la rame où se trame quelque chose de vivant à notre encontre. Regarde autour de toi, reste attentif et ouvert aux petits signes vivants qui te rappellent à plus de conscience et de présence.
Présence à la beauté du monde, incluant les deux moitiés des chemins, ombres et lumières.
Si vous aussi vous avez l’impression de n’avoir fait que la moitié des chemins, écoutez et prenez rendez-vous au milieu de vous-même, pour entendre que si la vie a des hauts et des bas, elle ne se résume pas uniquement aux pics grossiers de certains événements.
Il était une fois un roi de pique qui faisait comme s’il n’avait pas de coeur et ne pouvait traverser que sous la protection de son armure d’indifférence et de mépris.
Il était une fois une reine étourdie aux chaussettes orphelines qui ne retrouvait plus la parole que l’oiseau avait emporté avec lui, loin au fond d’un puits de tristesse.
Et dans le royaume, ruines et déconfiture.
Tous ces personnages sont bien nous, et en nous. Nous sommes roi, reine, royaume, oiseau, déconfiture et ruse pour les fuir. Toutes ces histoires ont sans doute des secrets de simplicité à délivrer, pour être moins lâche, ou tout aussi lâche mais moins condescendant. Avec nos histoires vient la sagesse naturelle de leur au-delà.
Ainsi sont les contes, qui veillent à ce que nous restions dans l’attention aux graines semées sur nos moitiés de chemin. C’est dans l’ombre fine et blanche et délicate que la vérité de l’autre moitié se tient et attend notre regard.
Semons des histoires qui nous donnent inspiration, à nous et à d’autres, quand tout dort et que l’or pépite dans la gangue du coeur, il est temps de faire ou de refaire d’une dernière fois une première fois.
Dans les entrailles de la divinité
Quand te lèveras tu une nuit
Pour des mots de lumière dont tu as le savoir sans âge
Dans les contractions de la divinité
Tu es l’espace de tous les possibles
Toutes les boues ne peuvent t’atteindre
Où sont tes mots envolés aux larmes de l’oiseau
Toutes les bouteilles à la mer
Ont ce parfum si délicieux du lotus
Qui t’étreint à l’éternel
Sur le rivage les vagues déferlent aves tendresse
Et se retirent peut-être avec un peu de tristesse
Reine de pluies étincelantes
Quand te lèveras tu une nuit
Pour quelque ondées de mots
Dont tu as le secret à l’éveil
Orphelines nuées
Aux chants des ancêtres ensevelis